21 Novembre 2010
L’observatoire du Donon : indicateurs de gestion et retour d’expérience
Marie-Laure Schwoerer 1, Christophe Bonenfant 2
1 Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage – Délégation régionale nord-est
2 ONCFS/CNRS – LBBE Lyon
Résumé
L’observatoire forêt-ongulé du massif du Donon est une structure de concertation pour la
gestion du Cerf et de ses habitats, créée en 1998 par l’ONF et dont l’animation a été confiée à
l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) courant 2006. Il associe de
nombreux partenaires, acteurs du monde forestier et cynégétique, concernés par la recherche
de l’équilibre sylvo-cynégétique. L’observatoire couvre une superficie d’environ 75 000 ha,
essentiellement forestiers, appartenant à différents types de propriétaires (état, communes,
privés) et répartis sur 2 régions administratives (Alsace, Lorraine) et 4 départements (Bas-
Rhin, Moselle, Meurthe-et-Moselle, Vosges). Il comprend environ 200 territoires de chasse.
Cet observatoire a pour objectif le suivi de l'évolution de la population de Cerf et de son
influence sur le milieu forestier, afin d’en orienter la gestion, notamment à travers la fixation
des prélèvements annuels. Le travail de l'observatoire repose sur la collecte et l’analyse d’un
faisceau d’indicateurs suivis annuellement. Il s’agit d’indicateur de changements écologiques
(masse corporelle des faons), de comptages nocturnes au phare et de l’analyse de l’évolution
des tableaux de chasse.
Après près d’une dizaine d’années de suivi, il est apparu important de réaliser un point de la
situation écologique des populations de Cerf sur ce massif, en réalisant une analyse
statistique de l’ensemble des informations collectées. Les différents indicateurs convergent
vers la même conclusion : la population de Cerf du massif du Donon est restée relativement
stable durant les quinze dernières années, et paraît sous contrôle des gestionnaires. Les
variations annuelles de la masse corporelle des faons observées suggèrent que la population
a vraisemblablement dépassé la moitié de la capacité limite écologique du milieu. Si le premier
signe d’entrée en densité-dépendance s’est manifesté à travers une diminution de la masse
corporelle au début de la période de suivi, une légère amélioration de la qualité phénotypique
des faons est maintenant constatée depuis 2000 sur les zones meurthe-et-mosellanne et basrhinoise
du massif. Par ailleurs, l’analyse de la structure spatiale sur le massif du Donon a
permis de mettre en évidence l’existence de trois unités paysagères et de deux unités de
populations.
L’analyse des données a par ailleurs mis en évidence les limites à l’utilisation de certains
indicateurs en raison de leur faible sensibilité aux variations de densité de populations. En
réponse à cela, il pourrait être intéressant de mettre en place des ICE complémentaires,
comme par exemple le taux de gestation des bichettes. Il apparaît également nécessaire de
réaliser un diagnostic du renouvellement des peuplements forestiers pour compléter
l’approche par le compartiment animal. Enfin, la poursuite de l’analyse spatiale pourrait
permettre de déterminer si la structure paysagère se traduit par une structure démographique,
et ainsi délimiter des unités pertinentes pour la gestion du Cerf.
Contexte
Au cours des deux dernières décennies, la gestion de la faune sauvage est devenue un véritable
enjeu de société. Ainsi, les populations d'ongulés sont au coeur de nombreux problèmes écologiques
et économiques. Par exemple les ongulés sont à l'origine d'un nombre croissant de collisions avec les
véhicules, de la modification de la biodiversité animale et végétale, et de dégâts forestiers et
agricoles. D'un autre côté, la sylviculture et la chasse génèrent des flux d'argent importants.
Aujourd'hui, la chasse se doit de remplir une mission au sein de la société, celle de contrôler les
effectifs des populations d'ongulés. Dans cet objectif, il est donc nécessaire de développer des outils
permettant la gestion des populations animales, et particulièrement celles des ongulés.
Le massif du Donon est un vaste ensemble forestier inter-régional d'environ 75 000 ha situé dans le
Massif Vosgien, qui s'étend sur les départements de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle, des Vosges
et du Bas-Rhin, sur deux régions administratives, la Lorraine et l'Alsace (Fig. 1). Il concerne environ
200 territoires de chasse, où s’applique le droit général pour deux des départements (Meurthe-et-
Moselle et Vosges), et le droit local pour les deux autres (Moselle et Bas-Rhin), impliquant une
diversité de modes de chasse et de modes de gestion. Le biotope, se développant sur des sols
gréseux, y est relativement pauvre. Les forêts sont caractérisées par des essences résineuses, sapin
et épicéa, et sont gérées majoritairement par traitement régulier. La majeure partie de ces forêts sont
publiques (domaniales et communales). L’altitude s’y échelonne entre 300 et 1000 mètres.
Ce massif abrite une ou plusieurs populations de Cerf qu'il est souhaitable, dans le cadre d'une
gestion durable des forêts, de gérer afin de maintenir un certain équilibre sylvo-cynégétique. C'est
dans cet optique qu'a été créée la structure appelée « Observatoire du Donon ». En effet, depuis
plusieurs décennies le massif du Donon a la malheureuse réputation, à travers la France entière,
d’être une zone forestière où la production de bois et la présence du Cerf paraissent actuellement
inconciliables. La situation y est décrite comme catastrophique par les forestiers, qui déplorent
d’importants dégâts forestiers (abroutissement et écorçage), le recul de certaines essences, sapin et
feuillus, et de grandes difficultés à mettre en place une régénération naturelle.
Dans ce contexte, il s’est avéré nécessaire d’évaluer objectivement l’état de l’équilibre forêt-gibier afin
d’établir un diagnostic partagé par tous les partenaires et de proposer par la suite des mesures de
gestion consensuelles, destinées à améliorer l’état d’équilibre. A ce titre, l’observatoire du Donon
constitue une démarche pilote, à la fois une expérimentation grandeur nature sur la problématique de
l’équilibre forêt-gibier, et un outil d’aide à la décision pour l’élaboration du plan de chasse et la fixation
des prélèvements annuels.
ONCFS – Bleibel M.
L’observatoire du Donon
L'observatoire du Donon est une structure de concertation créée en 1998, à l'initiative de l'ONF, et
dont le fonctionnement a été formalisé en 2006 par une convention de partenariat signée par quatorze
partenaires. Il couvre une superficie d’environ 75 000 ha, essentiellement forestiers, appartenant à
différents types de propriétaires (état, communes, privés) et répartis sur 2 régions administratives
(Alsace, Lorraine) et 4 départements (Bas-Rhin, Moselle, Meurthe-et-Moselle, Vosges). Il comprend
environ 200 territoires de chasse. (Figure 1).
Cet observatoire regroupe à la fois des acteurs du monde forestier et du monde cynégétique, qui
s'associent dans le but de mener une gestion concertée du Cerf élaphe (Cervus elaphus L.).
L'ensemble de ces partenaires est représenté par divers organismes au sein des deux instances de
travail de l'observatoire :
- l'office national des forêts (ONF),
- le centre régional de la propriété forestière (CRPF),
- les associations de communes forestières (COFOR),
- l'union forestière de l'Est (UFE) rassemblant tous les syndicats des quatre départements,
- les directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF),
- les services de recherche du centre du machinisme agricole du génie rural, des eaux et des
forêts (Cemagref),
- les fédérations départementales et régionales des chasseurs (FDC et FRC),
- l'office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
Son fonctionnement repose quatre correspondants départementaux chargés de mettre en oeuvre les
protocoles et de collecter les données, et deux instances de travail, un comité technique qui analyse
les données et propose des orientations, et un comité de pilotage qui arrête les orientations de
prélèvements.
Depuis 2006, l'animation générale de l'observatoire du Donon est assurée par l'ONCFS,
conjointement par le Centre National d’Etudes et de Recherche Appliquées « cervidés-sanglier » et la
Délégation régionale nord-est de l’ONCFS.
Visite de terrain avec les partenaires de l’observatoire
L’objectif de cet observatoire est d'étudier les variations spatiales et temporelles d'un faisceau
d'indicateurs de changements écologiques (ICE) qui appliqué au Donon renseignent sur la dynamique
des populations de Cerf du massif forestier. À terme, ces ICE permettent une gestion pertinente et
raisonnée des populations. Pour cela, l'observatoire du Donon a organisé au cours de ces dernières
années la récolte et l’analyse de données permettant d'appréhender la situation du Cerf par rapport à
la capacité limite écologique du massif forestier. Les indicateurs suivants sont ainsi collectés et
analysés chaque année : la masse corporelle des faons de Cerf prélevés à la chasse (indice
biométrique), le comptage nocturne au phare (indice d’abondance), ainsi que les plans de chasse
réalisés.
Figure 1 Situation géographique du massif du Donon
Il est apparu important, à ce stade, de réaliser un point de la situation écologique des populations de
Cerf de ce massif après près d'une dizaine d'années de suivi, en analysant l'ensemble des
informations collectées par les différents acteurs de l'observatoire. Cet état des lieux permettra alors
des comparaisons avec les données récoltées à l'avenir, et de déterminer l'adéquation des objectifs
de gestion fixés par les différents partenaires avec les résultats mesurés sur le terrain.
Suivi des populations d'ongulés et indicateurs de changements écologiques
Les travaux de recherche menés lors des vingt dernières années ont abouti à la mise au point de
différents indicateurs de changements écologiques (ICE) qui sont maintenant devenus les fondements
de la gestion objective des populations d'ongulés. Les ICE sont des paramètres mesurés sur un
animal ou un végétal, simple à mettre en oeuvre et dont l'évolution dépend de la situation écologique
du système plantes -- herbivores. Les variations relatives des différents ICE au cours du temps
permettent de s'affranchir de l'estimation des effectifs ou de la capacité limite d'accueil du milieu, deux
valeurs particulièrement difficiles à estimer.
De nombreuses études empiriques portant sur différentes espèces de grands mammifères ont montré
que les paramètres démographiques sont affectés négativement par la densité, en d'autres termes ils
diminuent avec l'augmentation des effectifs de Cerf. Le modèle de densité-dépendance d'Eberhardt
appliqué au cas du Cerf (Figure. 2) prédit la séquence des paramètres démographiques qui vont être
affectés par la densité à mesure que la population s'approche de la capacité limite écologique du
milieu : la survie juvénile (fortement liée la masse corporelle des faons) des mâles, puis celle des
femelles, seront les premiers paramètres à diminuer lorsque les effectifs de la population
augmentent ; les paramètres suivants doivent être la reproduction des jeunes femelles, puis la
reproduction des femelles adultes lorsque la population se rapproche davantage de la capacité limite
écologique ; enfin, lorsque la population atteint la capacité limite écologique et au-delà, alors la survie
des femelles adultes doit diminuer.
Figure 2 Illustration du modèle de densité-dépendance proposé par Eberhardt, appliqué au cas du Cerf
Ce modèle est très important en biologie mais aussi en gestion des populations puisqu'il permet de
situer la population par rapport à la capacité limite écologique, en fonction des variations relatives
observées dans les différents paramètres démographiques. Par exemple, une variation importante de
la survie juvénile non accompagnée de variation de la reproduction des femelles adultes permet de
conclure que la population se trouve relativement loin de la capacité limite écologique. En revanche, si
tous les paramètres démographiques varient avec la densité alors il existe un signal fort pour dire que
la population se trouve proche de la capacité limite écologique. Notons que la seule valeur de
référence, et à laquelle la population répond, est la capacité limite écologique, qui ne correspond en
aucun cas à des limites arbitraires imposées ou bien établies par l'Homme, comme par exemple
l'intensité des dégâts en forêt.
Le point clé de la démarche proposée est la gestion adaptative, c'est à dire une gestion se faisant par
essais et erreurs successifs. Il s'agit d'adapter progressivement les prélèvements, en s'appuyant sur
l'examen d'un faisceau d'indicateurs, afin de faire évoluer l'état d'équilibre forêt-ongulés dans le sens
souhaité. Il est à noter que cette démarche nécessite de travailler sur le moyen terme, à savoir 5 à 10
années.
Résultats des analyses de données
L'approche générale consiste à faire usage de plusieurs ICE complémentaires, qui vont chacun réagir
à des niveaux de densité différents. L'analyse des données va rechercher l'existence d'une
convergence et d'une cohérence globale des différents ICE dont nous disposons, à savoir la masse
corporelle, les comptages nocturnes, les plans de chasse réalisés, et partiellement la fécondité des
bichettes. Notons que les ICE portant sur le compartiment végétal ne sont actuellement pas mis en
oeuvre dans le cadre de l'observatoire du Donon.
L'analyse spatiale
En matière de gestion des ongulés, il est important de pouvoir calquer l'unité de gestion avec l'unité
de population. Certaines études suggèrent de déterminer les limites géographiques des populations
d'herbivores à partir de la description de l'habitat (topographie, proportion de milieux ouverts/fermés,
altitude…). L'analyse de la structure spatiale sur le massif du Donon a mis en évidence l'existence de
trois unités paysagères, discriminées par la topographie (accidentée ou plane) et le milieu (fortement
boisé ou plus ouvert) (Figure 3).
Au regard de la variabilité spatiale de la masse corporelle des faons, précisée dans le paragraphe
suivant, cette structure paysagère au sein du massif induit l'existence de deux unités de populations :
une première unité est établie sur la partie du massif située en Meurthe-et-Moselle et l'autre sur le
reste du massif. La poursuite de cette approche pourrait permettre de déterminer si la structure
spatiale se traduit par une structure démographique, capitale pour la gestion des populations
d'ongulés, et ainsi délimiter des unités pertinentes de gestion du Cerf en accord avec la biologie de
l'espèce. Cela nécessite bien entendu une concertation entre les différentes composantes
départementales de l'observatoire du Donon. La collecte de nouvelles données dans les prochaines
années devrait permettre de disposer de plus amples d'information pour mettre en évidence
l'existence éventuelle d'autres sous-unités de population.
Figure 3 Mise en évidence de la structure spatiale du massif du Donon : à gauche, la première composante
principale oppose les secteurs ayant une topographie accidentée avec les zones, plus planes,
cultivables. On observe un continuum allant du Nord-Est au Sud-Ouest dans l’axe du massif Vosgien.
A droite , la seconde composante principale oppose les secteurs fortement boisés avec les secteurs au
milieu beaucoup plus ouvert. On peut distinguer trois grandes sous-unités, une sous-unité Nord, une
sous-unité Sud-Ouest et une dernière sous-unité Sud-Est séparée par la vallée des Celtes.
La masse corporelle des faons
La masse corporelle est une donnée fondamentale en biologie des populations des grands
mammifères herbivores car elle conditionne de nombreuses caractéristiques individuelles. Par
exemple, les femelles de Cerf les plus lourdes sont celles qui se reproduisent le plus tôt et les faons
les plus lourds sont également ceux qui survivent le mieux. Les variations de la masse corporelle sont
directement reliées à l'accès aux ressources alimentaires, qui est lui-même conditionné par la quantité
et la qualité de la végétation.
À ce jour, l'observatoire dispose de quatorze années (1991-2005) de données sur l'ensemble du
massif. Rappelons l'importance déterminante de la précision des données récoltées qui, pour être
pertinentes, ne doivent être ni arrondies ni estimées. L'analyse montre que la masse corporelle des
faons a varié d'une année sur l'autre, mais que les valeurs observées en 2005 sont comparables à
celles qui prévalaient en 1991. En conséquence, aucune tendance temporelle n'a pu être mise en
évidence sur cette période de temps (figure 4). Néanmoins, une étude plus fine de la variation des
masses corporelles des faons permet de distinguer deux périodes. Lors de la période 1991-1996, les
faons ont perdu 3,2 kg en moyenne (soit 11 % environ). Si cette perte de poids reste limitée, elle
indique tout de même que la quantité de nourriture disponible par individu a sans doute diminué. Il y a
alors deux hypothèses : soit la densité des Cerfs a augmenté induisant une concurrence entre
individus pour l'accès aux ressources alimentaires, soit l'environnement s'est progressivement
dégradé, sous l'effet de l'homme ou du Cerf lui même, réduisant la disponibilité alimentaire. Nous
n'avons pas été en mesure de déterminer laquelle des deux hypothèses est la plus probable. A partir
de 2000, la masse des faons a augmenté pour atteindre un plateau en 2003, revenant alors à son
niveau de 1991. Ce résultat a été interprété comme un effet possible de la tempête de 1999 qui, en
provoquant une ouverture des peuplements forestiers, aurait augmenté la qualité et la quantité de
nourriture disponible pour les Cerfs (en particulier les graminées).
Ces variations de l'ICE « masse corporelle », en réponse à des changements de conditions
environnementales, suggèrent donc que les populations de Cerf du massif du Donon montrent le
premier signe d'entrée en densité-dépendance (cf. Figure. 2). Par ailleurs, la comparaison entre
différentes populations de Cerf indique que sur certaines zones (excluant la Meurthe-et-Moselle), les
Cerfs du massif du Donon semblent présenter une qualité phénotypique faible, au regard de ce qui est
généralement observé pour les quelques populations de référence. A titre d'exemples, la masse
corporelle moyenne des faons mâles est de 33,7 kg actuellement sur le massif du Donon, alors qu'elle
est de 42,2 kg dans les Cévennes (site exceptionnel) mais de 32,4 kg à La Petite Pierre (site similaire,
maintenu à faible densité). Cette qualité phénotypique relativement faible des Cerfs du Donon est à
relier à la pauvreté du milieu dans le massif Vosgien en général.
Figure 4 (a) Évolution temporelle de la masse corporelle des faons dans le massif du Donon ; (b) Variations
spatiales de la masse corporelle des faons.
Les comptages nocturnes au phare
Contrairement à une idée largement répandue, les comptages au phare ne sont pas une méthode de
dénombrement des effectifs d'une population sur un territoire. C'est une méthode qui pâtit de
problèmes de sous-estimation de l'effectif réel et qui montre souvent un phénomène de saturation à
forte densité. Par contre, il constitue un indice d'abondance pertinent pour étudier les variations
relatives d'effectifs d'une année sur l'autre afin d'apprécier les tendances d'évolution des populations.
Malgré son usage limité aux zones carrossables présentant un couvert végétal peu dense, il présente
l'intérêt d'être facile à mettre en oeuvre sur de vastes surfaces et peu coûteux, comparé aux
techniques de capture et marquage par exemple. Toutefois, il faut savoir que cet indice n'est pas
validé comme ICE à l'heure actuelle. Cet indice présente en effet une importante variabilité intrinsèque
liée à la détectabilité des animaux, influencée par les conditions météorologiques, le type de milieu
traversé, la taille des groupes de Cerf ou encore l'expérience des observateurs.
Les comptages nocturnes réalisés depuis 2001 sur le massif du Donon n'ont pas montré d'évolution
depuis qu'ils sont suivis : aucune augmentation ni diminution n'a été détectée (figure 5). De même, il
n'a pas été possible de mettre en évidence de variations inter-annuelles de la valeur moyenne des
comptages. Dans le détail, certains secteurs montrent des tendances (croissance et décroissance)
mais il n'a pas été possible d'expliquer les différences entre circuits par les variables
environnementales (ouverture et fermeture du milieu principalement). Leur interprétation en termes de
variations d'effectifs reste donc très délicate.
Figure 5 Variations annuelles de l'indice de comptage au phare sur l'ensemble des quatre départements du
massif du Donon. Aucune tendance temporelle n'a pu être détectée (ni accroissement, ni diminution).
Les différentes valeurs moyennes ne sont pas significativement différentes les unes des autres (même
l'année 2007 en Meurthe-et-Moselle). Attention aux échelles qui ne sont pas les mêmes pour tous les
départements. Ces graphiques montrent également l'importance de ne pas utiliser les meilleurs
comptages qui ont tendance à être beaucoup trop soumis aux variations aléatoires d'échantillonnage.
Les plans de chasse annuels
D'après la majeure partie des modèles existants, les plans de chasse réalisés sont liés à la
dynamique des populations. Toutefois, la manière dont l'accroissement du plan de chasse par quotas,
comme cela est pratiqué en France, est influencé par les variations de l'accroissement des
populations n'est pas connue. Il faut bien garder à l'esprit que le plan de chasse n'est pas un ICE
validé et son analyse ne peut avoir la même pertinence que les véritables ICE.
Les données analysées sont la valeur absolue du nombre de Cerfs prélevés par saison de chasse et
le taux de croissance des prélèvements. L'analyse des réalisations des plans de chasse Cerf soutient
les conclusions précédentes, l'accroissement relatif des plans de chasse réalisé est resté nul depuis
1998 et aucune tendance ne se dessine.
Conclusions et perspectives
Les différents ICE suivis dans le cadre de l'observatoire du Donon convergent vers la même
conclusion : la population de Cerf du massif du Donon est restée relativement stable durant les quinze
dernières années, et paraît sous contrôle des gestionnaires. Une légère amélioration de la qualité
phénotypique des faons est constatée à partir de 2000 sur les zones meurthe-et-moselanne et basrhinoise
du massif, après l'intégration des données de la campagne 2006-2007. D'après les
connaissances actuelles portant sur la biologie des populations des mammifères (modèle de
Eberhardt, Figure 2), les variations annuelles dans la masse corporelle des faons observées
suggèrent que la population a vraisemblablement dépassé la moitié de la capacité limite écologique
du milieu.
Il est toutefois possible que des modifications importantes de la densité des populations de Cerf sur le
massif du Donon, induisant des phénomènes de densité-dépendance prononcés, soient intervenues
avant la mise en place du suivi des ICE dans le cadre de l'observatoire. Cette hypothèse est suggérée
par la forte diminution de la masse corporelle des faons (- 4,8 kg) observée sur le site du Val de
Senones entre 1979 et 1990. De même, des données anciennes indiquent que seulement 9,6 % des
bichettes étaient gestantes dans les années 1990-1991 sur une partie du massif du Donon. Il
semblerait que les populations de Cerf du massif du Donon aient traversé des épisodes de fortes
densités ayant conduit aux dégâts forestiers importants observés dans les années 1980.
Par ailleurs, l’analyse des données actuellement disponibles pour l’observatoire a mis en évidence les
limites de l’utilisation de certains ICE en raison de leur faible sensibilité aux variations de densité de
populations. En réponse à cela, il serait intéressant de mettre en place des ICE complémentaires,
comme par exemple le taux de gestation des bichettes. En effet, cet ICE, très sensible aux variations
de densité, est tout à fait pertinent pour le suivi et la gestion des populations de Cerf. Le prélèvement
des tractus génitaux de l’ensemble des bichettes prélevées à la chasse sur le massif du Donon
pourrait permettre de mieux suivre la dynamique des populations et de confirmer ou non l’existence
des unités de populations suggérée par l’analyse spatiale.
Si la dynamique des populations de Cerf peut être suivie à travers les variations spatio-temporelles de
ces ICE, il apparaît aujourd'hui nécessaire de compléter cette approche par l'analyse du compartiment
végétal. La réalisation d’une évaluation des niveaux de dégâts permettant de quantifier et de suivre au
cours du temps l’impact des Cervidés sur le développement des régénérations forestières du massif
du Donon, et par conséquent sur l’avenir des peuplements, est une étape future indispensable au
diagnostic d’état d’équilibre forêt-gibier, principal objet de l’observatoire.