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Les Archers des Mascareignes

Le Point sur la Faune16

 

 

L’observatoire du Donon : indicateurs de gestion et retour d’expérience


Marie-Laure Schwoerer 1, Christophe Bonenfant 2

1 Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage – Délégation régionale nord-est

2 ONCFS/CNRS – LBBE Lyon

 

Résumé


L’observatoire forêt-ongulé du massif du Donon est une structure de concertation pour la

gestion du Cerf et de ses habitats, créée en 1998 par l’ONF et dont l’animation a été confiée à

l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) courant 2006. Il associe de

nombreux partenaires, acteurs du monde forestier et cynégétique, concernés par la recherche

de l’équilibre sylvo-cynégétique. L’observatoire couvre une superficie d’environ 75 000 ha,

essentiellement forestiers, appartenant à différents types de propriétaires (état, communes,

privés) et répartis sur 2 régions administratives (Alsace, Lorraine) et 4 départements (Bas-

Rhin, Moselle, Meurthe-et-Moselle, Vosges). Il comprend environ 200 territoires de chasse.

 

Cet observatoire a pour objectif le suivi de l'évolution de la population de Cerf et de son

influence sur le milieu forestier, afin d’en orienter la gestion, notamment à travers la fixation

des prélèvements annuels. Le travail de l'observatoire repose sur la collecte et l’analyse d’un

faisceau d’indicateurs suivis annuellement. Il s’agit d’indicateur de changements écologiques

(masse corporelle des faons), de comptages nocturnes au phare et de l’analyse de l’évolution

des tableaux de chasse.

 

Après près d’une dizaine d’années de suivi, il est apparu important de réaliser un point de la

situation écologique des populations de Cerf sur ce massif, en réalisant une analyse

statistique de l’ensemble des informations collectées. Les différents indicateurs convergent

vers la même conclusion : la population de Cerf du massif du Donon est restée relativement

stable durant les quinze dernières années, et paraît sous contrôle des gestionnaires. Les

variations annuelles de la masse corporelle des faons observées suggèrent que la population

a vraisemblablement dépassé la moitié de la capacité limite écologique du milieu. Si le premier

signe d’entrée en densité-dépendance s’est manifesté à travers une diminution de la masse

corporelle au début de la période de suivi, une légère amélioration de la qualité phénotypique

des faons est maintenant constatée depuis 2000 sur les zones meurthe-et-mosellanne et basrhinoise

du massif. Par ailleurs, l’analyse de la structure spatiale sur le massif du Donon a

permis de mettre en évidence l’existence de trois unités paysagères et de deux unités de

populations.

 

L’analyse des données a par ailleurs mis en évidence les limites à l’utilisation de certains

indicateurs en raison de leur faible sensibilité aux variations de densité de populations. En

réponse à cela, il pourrait être intéressant de mettre en place des ICE complémentaires,

comme par exemple le taux de gestation des bichettes. Il apparaît également nécessaire de

réaliser un diagnostic du renouvellement des peuplements forestiers pour compléter

l’approche par le compartiment animal. Enfin, la poursuite de l’analyse spatiale pourrait

permettre de déterminer si la structure paysagère se traduit par une structure démographique,

et ainsi délimiter des unités pertinentes pour la gestion du Cerf.

 

 

Contexte


Au cours des deux dernières décennies, la gestion de la faune sauvage est devenue un véritable

enjeu de société. Ainsi, les populations d'ongulés sont au coeur de nombreux problèmes écologiques

et économiques. Par exemple les ongulés sont à l'origine d'un nombre croissant de collisions avec les

véhicules, de la modification de la biodiversité animale et végétale, et de dégâts forestiers et

agricoles. D'un autre côté, la sylviculture et la chasse génèrent des flux d'argent importants.

Aujourd'hui, la chasse se doit de remplir une mission au sein de la société, celle de contrôler les

effectifs des populations d'ongulés. Dans cet objectif, il est donc nécessaire de développer des outils

permettant la gestion des populations animales, et particulièrement celles des ongulés.

Le massif du Donon est un vaste ensemble forestier inter-régional d'environ 75 000 ha situé dans le

Massif Vosgien, qui s'étend sur les départements de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle, des Vosges

et du Bas-Rhin, sur deux régions administratives, la Lorraine et l'Alsace (Fig. 1). Il concerne environ

200 territoires de chasse, où s’applique le droit général pour deux des départements (Meurthe-et-

Moselle et Vosges), et le droit local pour les deux autres (Moselle et Bas-Rhin), impliquant une

diversité de modes de chasse et de modes de gestion. Le biotope, se développant sur des sols

gréseux, y est relativement pauvre. Les forêts sont caractérisées par des essences résineuses, sapin

et épicéa, et sont gérées majoritairement par traitement régulier. La majeure partie de ces forêts sont

publiques (domaniales et communales). L’altitude s’y échelonne entre 300 et 1000 mètres.

Ce massif abrite une ou plusieurs populations de Cerf qu'il est souhaitable, dans le cadre d'une

gestion durable des forêts, de gérer afin de maintenir un certain équilibre sylvo-cynégétique. C'est

dans cet optique qu'a été créée la structure appelée « Observatoire du Donon ». En effet, depuis

plusieurs décennies le massif du Donon a la malheureuse réputation, à travers la France entière,

d’être une zone forestière où la production de bois et la présence du Cerf paraissent actuellement

inconciliables. La situation y est décrite comme catastrophique par les forestiers, qui déplorent

d’importants dégâts forestiers (abroutissement et écorçage), le recul de certaines essences, sapin et

feuillus, et de grandes difficultés à mettre en place une régénération naturelle.

Dans ce contexte, il s’est avéré nécessaire d’évaluer objectivement l’état de l’équilibre forêt-gibier afin

d’établir un diagnostic partagé par tous les partenaires et de proposer par la suite des mesures de

gestion consensuelles, destinées à améliorer l’état d’équilibre. A ce titre, l’observatoire du Donon

constitue une démarche pilote, à la fois une expérimentation grandeur nature sur la problématique de

l’équilibre forêt-gibier, et un outil d’aide à la décision pour l’élaboration du plan de chasse et la fixation

des prélèvements annuels.


 

actes_symposium_cerf.jpg

 

ONCFS – Bleibel M.

 

 

 

L’observatoire du Donon


L'observatoire du Donon est une structure de concertation créée en 1998, à l'initiative de l'ONF, et

dont le fonctionnement a été formalisé en 2006 par une convention de partenariat signée par quatorze

partenaires. Il couvre une superficie d’environ 75 000 ha, essentiellement forestiers, appartenant à

 

différents types de propriétaires (état, communes, privés) et répartis sur 2 régions administratives

(Alsace, Lorraine) et 4 départements (Bas-Rhin, Moselle, Meurthe-et-Moselle, Vosges). Il comprend

environ 200 territoires de chasse. (Figure 1).

Cet observatoire regroupe à la fois des acteurs du monde forestier et du monde cynégétique, qui

s'associent dans le but de mener une gestion concertée du Cerf élaphe (Cervus elaphus L.).

L'ensemble de ces partenaires est représenté par divers organismes au sein des deux instances de

travail de l'observatoire :

- l'office national des forêts (ONF),

- le centre régional de la propriété forestière (CRPF),

- les associations de communes forestières (COFOR),

- l'union forestière de l'Est (UFE) rassemblant tous les syndicats des quatre départements,

- les directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF),

- les services de recherche du centre du machinisme agricole du génie rural, des eaux et des

forêts (Cemagref),

- les fédérations départementales et régionales des chasseurs (FDC et FRC),

- l'office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

Son fonctionnement repose quatre correspondants départementaux chargés de mettre en oeuvre les

protocoles et de collecter les données, et deux instances de travail, un comité technique qui analyse

les données et propose des orientations, et un comité de pilotage qui arrête les orientations de

prélèvements.

Depuis 2006, l'animation générale de l'observatoire du Donon est assurée par l'ONCFS,

conjointement par le Centre National d’Etudes et de Recherche Appliquées « cervidés-sanglier » et la

Délégation régionale nord-est de l’ONCFS.

 

 

actes_symposium_cerf-copie-1.jpg

Visite de terrain avec les partenaires de l’observatoire

 

 

L’objectif de cet observatoire est d'étudier les variations spatiales et temporelles d'un faisceau

d'indicateurs de changements écologiques (ICE) qui appliqué au Donon renseignent sur la dynamique

des populations de Cerf du massif forestier. À terme, ces ICE permettent une gestion pertinente et

raisonnée des populations. Pour cela, l'observatoire du Donon a organisé au cours de ces dernières

années la récolte et l’analyse de données permettant d'appréhender la situation du Cerf par rapport à

la capacité limite écologique du massif forestier. Les indicateurs suivants sont ainsi collectés et

analysés chaque année : la masse corporelle des faons de Cerf prélevés à la chasse (indice

biométrique), le comptage nocturne au phare (indice d’abondance), ainsi que les plans de chasse

réalisés.

 

actes_symposium_cerf-copie-2.jpg

Figure 1 Situation géographique du massif du Donon

 

 


 

Il est apparu important, à ce stade, de réaliser un point de la situation écologique des populations de

 

Cerf de ce massif après près d'une dizaine d'années de suivi, en analysant l'ensemble des

informations collectées par les différents acteurs de l'observatoire. Cet état des lieux permettra alors

des comparaisons avec les données récoltées à l'avenir, et de déterminer l'adéquation des objectifs

de gestion fixés par les différents partenaires avec les résultats mesurés sur le terrain.

 

Suivi des populations d'ongulés et indicateurs de changements écologiques


Les travaux de recherche menés lors des vingt dernières années ont abouti à la mise au point de

différents indicateurs de changements écologiques (ICE) qui sont maintenant devenus les fondements

de la gestion objective des populations d'ongulés. Les ICE sont des paramètres mesurés sur un

animal ou un végétal, simple à mettre en oeuvre et dont l'évolution dépend de la situation écologique

du système plantes -- herbivores. Les variations relatives des différents ICE au cours du temps

permettent de s'affranchir de l'estimation des effectifs ou de la capacité limite d'accueil du milieu, deux

valeurs particulièrement difficiles à estimer.

 

De nombreuses études empiriques portant sur différentes espèces de grands mammifères ont montré

que les paramètres démographiques sont affectés négativement par la densité, en d'autres termes ils

 

diminuent avec l'augmentation des effectifs de Cerf. Le modèle de densité-dépendance d'Eberhardt

appliqué au cas du Cerf (Figure. 2) prédit la séquence des paramètres démographiques qui vont être

affectés par la densité à mesure que la population s'approche de la capacité limite écologique du

milieu : la survie juvénile (fortement liée la masse corporelle des faons) des mâles, puis celle des

femelles, seront les premiers paramètres à diminuer lorsque les effectifs de la population

augmentent ; les paramètres suivants doivent être la reproduction des jeunes femelles, puis la

reproduction des femelles adultes lorsque la population se rapproche davantage de la capacité limite

écologique ; enfin, lorsque la population atteint la capacité limite écologique et au-delà, alors la survie

des femelles adultes doit diminuer.

 

 

actes_symposium_cerf-copie-3.jpg

 

 

Figure 2 Illustration du modèle de densité-dépendance proposé par Eberhardt, appliqué au cas du Cerf

 


Ce modèle est très important en biologie mais aussi en gestion des populations puisqu'il permet de

situer la population par rapport à la capacité limite écologique, en fonction des variations relatives

observées dans les différents paramètres démographiques. Par exemple, une variation importante de

la survie juvénile non accompagnée de variation de la reproduction des femelles adultes permet de

conclure que la population se trouve relativement loin de la capacité limite écologique. En revanche, si

tous les paramètres démographiques varient avec la densité alors il existe un signal fort pour dire que

la population se trouve proche de la capacité limite écologique. Notons que la seule valeur de

référence, et à laquelle la population répond, est la capacité limite écologique, qui ne correspond en

aucun cas à des limites arbitraires imposées ou bien établies par l'Homme, comme par exemple

l'intensité des dégâts en forêt.

Le point clé de la démarche proposée est la gestion adaptative, c'est à dire une gestion se faisant par

essais et erreurs successifs. Il s'agit d'adapter progressivement les prélèvements, en s'appuyant sur

l'examen d'un faisceau d'indicateurs, afin de faire évoluer l'état d'équilibre forêt-ongulés dans le sens

souhaité. Il est à noter que cette démarche nécessite de travailler sur le moyen terme, à savoir 5 à 10

années.

 

Résultats des analyses de données


L'approche générale consiste à faire usage de plusieurs ICE complémentaires, qui vont chacun réagir

à des niveaux de densité différents. L'analyse des données va rechercher l'existence d'une

 

convergence et d'une cohérence globale des différents ICE dont nous disposons, à savoir la masse

corporelle, les comptages nocturnes, les plans de chasse réalisés, et partiellement la fécondité des

bichettes. Notons que les ICE portant sur le compartiment végétal ne sont actuellement pas mis en

oeuvre dans le cadre de l'observatoire du Donon.

 

L'analyse spatiale


En matière de gestion des ongulés, il est important de pouvoir calquer l'unité de gestion avec l'unité

de population. Certaines études suggèrent de déterminer les limites géographiques des populations

d'herbivores à partir de la description de l'habitat (topographie, proportion de milieux ouverts/fermés,

altitude…). L'analyse de la structure spatiale sur le massif du Donon a mis en évidence l'existence de

trois unités paysagères, discriminées par la topographie (accidentée ou plane) et le milieu (fortement

boisé ou plus ouvert) (Figure 3).

Au regard de la variabilité spatiale de la masse corporelle des faons, précisée dans le paragraphe

suivant, cette structure paysagère au sein du massif induit l'existence de deux unités de populations :

une première unité est établie sur la partie du massif située en Meurthe-et-Moselle et l'autre sur le

reste du massif. La poursuite de cette approche pourrait permettre de déterminer si la structure

spatiale se traduit par une structure démographique, capitale pour la gestion des populations

d'ongulés, et ainsi délimiter des unités pertinentes de gestion du Cerf en accord avec la biologie de

l'espèce. Cela nécessite bien entendu une concertation entre les différentes composantes

départementales de l'observatoire du Donon. La collecte de nouvelles données dans les prochaines

années devrait permettre de disposer de plus amples d'information pour mettre en évidence

l'existence éventuelle d'autres sous-unités de population.

 

 

actes_symposium_cerf-copie-4.jpg

 

actes_symposium_cerf-copie-5.jpg

 

 

Figure 3 Mise en évidence de la structure spatiale du massif du Donon : à gauche, la première composante

principale oppose les secteurs ayant une topographie accidentée avec les zones, plus planes,

cultivables. On observe un continuum allant du Nord-Est au Sud-Ouest dans l’axe du massif Vosgien.

A droite , la seconde composante principale oppose les secteurs fortement boisés avec les secteurs au

milieu beaucoup plus ouvert. On peut distinguer trois grandes sous-unités, une sous-unité Nord, une

sous-unité Sud-Ouest et une dernière sous-unité Sud-Est séparée par la vallée des Celtes.

 

 

 

La masse corporelle des faons


La masse corporelle est une donnée fondamentale en biologie des populations des grands

mammifères herbivores car elle conditionne de nombreuses caractéristiques individuelles. Par

exemple, les femelles de Cerf les plus lourdes sont celles qui se reproduisent le plus tôt et les faons

les plus lourds sont également ceux qui survivent le mieux. Les variations de la masse corporelle sont

directement reliées à l'accès aux ressources alimentaires, qui est lui-même conditionné par la quantité

et la qualité de la végétation.

 

 

À ce jour, l'observatoire dispose de quatorze années (1991-2005) de données sur l'ensemble du

massif. Rappelons l'importance déterminante de la précision des données récoltées qui, pour être

pertinentes, ne doivent être ni arrondies ni estimées. L'analyse montre que la masse corporelle des

faons a varié d'une année sur l'autre, mais que les valeurs observées en 2005 sont comparables à

celles qui prévalaient en 1991. En conséquence, aucune tendance temporelle n'a pu être mise en

évidence sur cette période de temps (figure 4). Néanmoins, une étude plus fine de la variation des

masses corporelles des faons permet de distinguer deux périodes. Lors de la période 1991-1996, les

faons ont perdu 3,2 kg en moyenne (soit 11 % environ). Si cette perte de poids reste limitée, elle

indique tout de même que la quantité de nourriture disponible par individu a sans doute diminué. Il y a

alors deux hypothèses : soit la densité des Cerfs a augmenté induisant une concurrence entre

individus pour l'accès aux ressources alimentaires, soit l'environnement s'est progressivement

dégradé, sous l'effet de l'homme ou du Cerf lui même, réduisant la disponibilité alimentaire. Nous

n'avons pas été en mesure de déterminer laquelle des deux hypothèses est la plus probable. A partir

de 2000, la masse des faons a augmenté pour atteindre un plateau en 2003, revenant alors à son

niveau de 1991. Ce résultat a été interprété comme un effet possible de la tempête de 1999 qui, en

provoquant une ouverture des peuplements forestiers, aurait augmenté la qualité et la quantité de

nourriture disponible pour les Cerfs (en particulier les graminées).

Ces variations de l'ICE « masse corporelle », en réponse à des changements de conditions

environnementales, suggèrent donc que les populations de Cerf du massif du Donon montrent le

premier signe d'entrée en densité-dépendance (cf. Figure. 2). Par ailleurs, la comparaison entre

différentes populations de Cerf indique que sur certaines zones (excluant la Meurthe-et-Moselle), les

Cerfs du massif du Donon semblent présenter une qualité phénotypique faible, au regard de ce qui est

généralement observé pour les quelques populations de référence. A titre d'exemples, la masse

corporelle moyenne des faons mâles est de 33,7 kg actuellement sur le massif du Donon, alors qu'elle

est de 42,2 kg dans les Cévennes (site exceptionnel) mais de 32,4 kg à La Petite Pierre (site similaire,

maintenu à faible densité). Cette qualité phénotypique relativement faible des Cerfs du Donon est à

relier à la pauvreté du milieu dans le massif Vosgien en général.

 

 

actes_symposium_cerf-copie-6.jpg

 

 

Figure 4 (a) Évolution temporelle de la masse corporelle des faons dans le massif du Donon ; (b) Variations

spatiales de la masse corporelle des faons.

 

 

 

 

Les comptages nocturnes au phare


Contrairement à une idée largement répandue, les comptages au phare ne sont pas une méthode de

dénombrement des effectifs d'une population sur un territoire. C'est une méthode qui pâtit de

problèmes de sous-estimation de l'effectif réel et qui montre souvent un phénomène de saturation à

forte densité. Par contre, il constitue un indice d'abondance pertinent pour étudier les variations

relatives d'effectifs d'une année sur l'autre afin d'apprécier les tendances d'évolution des populations.

Malgré son usage limité aux zones carrossables présentant un couvert végétal peu dense, il présente

l'intérêt d'être facile à mettre en oeuvre sur de vastes surfaces et peu coûteux, comparé aux

techniques de capture et marquage par exemple. Toutefois, il faut savoir que cet indice n'est pas

 

validé comme ICE à l'heure actuelle. Cet indice présente en effet une importante variabilité intrinsèque

liée à la détectabilité des animaux, influencée par les conditions météorologiques, le type de milieu

traversé, la taille des groupes de Cerf ou encore l'expérience des observateurs.

Les comptages nocturnes réalisés depuis 2001 sur le massif du Donon n'ont pas montré d'évolution

depuis qu'ils sont suivis : aucune augmentation ni diminution n'a été détectée (figure 5). De même, il

n'a pas été possible de mettre en évidence de variations inter-annuelles de la valeur moyenne des

comptages. Dans le détail, certains secteurs montrent des tendances (croissance et décroissance)

mais il n'a pas été possible d'expliquer les différences entre circuits par les variables

environnementales (ouverture et fermeture du milieu principalement). Leur interprétation en termes de

variations d'effectifs reste donc très délicate.

 

 

actes_symposium_cerf-copie-7.jpg

 

 

 

Figure 5 Variations annuelles de l'indice de comptage au phare sur l'ensemble des quatre départements du

massif du Donon. Aucune tendance temporelle n'a pu être détectée (ni accroissement, ni diminution).

Les différentes valeurs moyennes ne sont pas significativement différentes les unes des autres (même

l'année 2007 en Meurthe-et-Moselle). Attention aux échelles qui ne sont pas les mêmes pour tous les

départements. Ces graphiques montrent également l'importance de ne pas utiliser les meilleurs

comptages qui ont tendance à être beaucoup trop soumis aux variations aléatoires d'échantillonnage.

 

 

 

 

Les plans de chasse annuels


D'après la majeure partie des modèles existants, les plans de chasse réalisés sont liés à la

dynamique des populations. Toutefois, la manière dont l'accroissement du plan de chasse par quotas,

 

comme cela est pratiqué en France, est influencé par les variations de l'accroissement des

populations n'est pas connue. Il faut bien garder à l'esprit que le plan de chasse n'est pas un ICE

validé et son analyse ne peut avoir la même pertinence que les véritables ICE.

Les données analysées sont la valeur absolue du nombre de Cerfs prélevés par saison de chasse et

le taux de croissance des prélèvements. L'analyse des réalisations des plans de chasse Cerf soutient

les conclusions précédentes, l'accroissement relatif des plans de chasse réalisé est resté nul depuis

1998 et aucune tendance ne se dessine.

 

Conclusions et perspectives


Les différents ICE suivis dans le cadre de l'observatoire du Donon convergent vers la même

conclusion : la population de Cerf du massif du Donon est restée relativement stable durant les quinze

dernières années, et paraît sous contrôle des gestionnaires. Une légère amélioration de la qualité

phénotypique des faons est constatée à partir de 2000 sur les zones meurthe-et-moselanne et basrhinoise

du massif, après l'intégration des données de la campagne 2006-2007. D'après les

connaissances actuelles portant sur la biologie des populations des mammifères (modèle de

Eberhardt, Figure 2), les variations annuelles dans la masse corporelle des faons observées

suggèrent que la population a vraisemblablement dépassé la moitié de la capacité limite écologique

du milieu.

Il est toutefois possible que des modifications importantes de la densité des populations de Cerf sur le

massif du Donon, induisant des phénomènes de densité-dépendance prononcés, soient intervenues

avant la mise en place du suivi des ICE dans le cadre de l'observatoire. Cette hypothèse est suggérée

par la forte diminution de la masse corporelle des faons (- 4,8 kg) observée sur le site du Val de

Senones entre 1979 et 1990. De même, des données anciennes indiquent que seulement 9,6 % des

bichettes étaient gestantes dans les années 1990-1991 sur une partie du massif du Donon. Il

semblerait que les populations de Cerf du massif du Donon aient traversé des épisodes de fortes

densités ayant conduit aux dégâts forestiers importants observés dans les années 1980.

Par ailleurs, l’analyse des données actuellement disponibles pour l’observatoire a mis en évidence les

limites de l’utilisation de certains ICE en raison de leur faible sensibilité aux variations de densité de

populations. En réponse à cela, il serait intéressant de mettre en place des ICE complémentaires,

comme par exemple le taux de gestation des bichettes. En effet, cet ICE, très sensible aux variations

de densité, est tout à fait pertinent pour le suivi et la gestion des populations de Cerf. Le prélèvement

des tractus génitaux de l’ensemble des bichettes prélevées à la chasse sur le massif du Donon

pourrait permettre de mieux suivre la dynamique des populations et de confirmer ou non l’existence

des unités de populations suggérée par l’analyse spatiale.

Si la dynamique des populations de Cerf peut être suivie à travers les variations spatio-temporelles de

ces ICE, il apparaît aujourd'hui nécessaire de compléter cette approche par l'analyse du compartiment

végétal. La réalisation d’une évaluation des niveaux de dégâts permettant de quantifier et de suivre au

cours du temps l’impact des Cervidés sur le développement des régénérations forestières du massif

du Donon, et par conséquent sur l’avenir des peuplements, est une étape future indispensable au

diagnostic d’état d’équilibre forêt-gibier, principal objet de l’observatoire.

 

 

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